Tanguy Auspert, Echevin du Patrimoine. Ville de Namur

Halle al Chair : une restauration réussie !


15.12.2022 – Plus de 20 ans se sont écoulés entre les premières études et la fin du chantier de la Halle Al Chair. Le résultat de la transformation est à la hauteur des espérances. Le bâtiment trône fièrement, en bord de Sambre, entre le Delta et le site de la Confluence. Une rénovation aux petits oignons pour un bijou du Patrimoine… avec quelques surprises à la clé.



Impossible de ne pas l’avoir remarqué : les façades restaurées de la Halle Al Chair ont été dévoilées il y a plusieurs semaines de cela. Aujourd’hui, l’intérieur est terminé, également : l’ensemble n’est autre que l’impressionnant résultat d’une rénovation menée de main de maître par l’entreprise Bajart et le Service du Bureau d’Etudes des Bâtiments de la Ville de Namur.

Le bâtiment va donc accueillir de nouvelles fonctions touristiques, culturelles, éducatives et de représentation, avec notamment un office du tourisme digne de la capitale Wallonne.

Une fois les travaux terminés, et ils vont durer plus d’un an, les différents espaces de la Halle al’Chair seront organisés de la manière suivante:

- Sous-sol : espaces polyvalents d’accueil de groupes. Un de ces espaces peut, à terme, devenir un espace Horeca. Les arcades du passage sous la Halle seront ouvertes à la vue.
- Rez-de-chaussée : Office du tourisme
- Premier étage : dédié aux expositions et à la Culture
- Deuxième étage : espace conférences, réunion, …

Des espaces de service, de rangements ainsi que des sanitaires renforcent les fonctions principales à chaque étage.

Répartis sur près de 900m², la Halle al’Chair dispose d’environ 220m² par étage et est entièrement accessible et adapté aux PMR. Ces derniers pourront atteindre tous les étages, ainsi que le sous-sol, via l’ascenseur situé au centre du bâtiment. Quant aux sanitaires, ils sont également adaptés aux personnes à mobilité réduite.

Une restauration intérieure et extérieure

Le projet de restauration validé conceraite à la fois la restauration de l’enveloppe (phase 1) ainsi que les aménagements intérieurs (phase 2). Des études ayant été réalisées en 2000 (restauration) et en 2002 (stabilité).

Les missions d’auteur de projet, incluant les études architecturales et le suivi des travaux, ont été confiés en 2000 à la sprl Architecture et Urbanisme Francis Haulot pour la restauration de l’enveloppe extérieure et, en 2015, à l’Association momentanée Architecture et Urbanisme Francis Haulot Sprl - Atelier d'architecture ARC - Atelier d'architecture ARCOPLAN sprl - Bureau Greisch Ingénérie sa pour la restauration intérieure.

Au niveau de la rénovation extérieure, on retrouve :
- La restauration des façades (remplacement des briques endommagées, remplacement des pierres trop altérées pour être consolidées ou réparées, etc.)
- Le remplacement de la couverture en ardoises naturelles
- L’isolation de la toiture (panneaux isolants pare-pluie en fibre de bois)
- Le remplacement des éléments de charpentes endommagés par de nouveaux en bois
- Le remplacement des menuiseries extérieures par des châssis en bois (méranti)
- La réouverture de diverses baies anciennes obturées au fil du temps
- Le nettoyage et la remise en peinture des façades (couleur de sang de boeuf).

La restauration intérieure comprend quant à elle :
- L’aménagement d’un sas vitré à l’entrée principale
- La restauration de l’escalier
- La remise à neuf des techniques spéciales
o Chauffage – principalement par le sol, avec radiateurs d’appoint
o Ventilation (double flux)
o Electricité (nouvel éclairage LED, éclairage sur rails à adapter en fonction de l’utilisation à certains étages, centrale intrusion, …)
o Plomberie et installations sanitaires
o Isolation thermique des sols et de la toiture
o La mise en place de nouveaux revêtements de sol


La rénovation intérieure a nécessité le déménagement de plusieurs vestiges de l’Histoire de Namur parmi les pièces les plus imposantes de la collection du Musée Archéologique. Certaines pesant plus de 100kg. Telles des anciennes enseignes de brasseries datant du XVIIIe Siècle.

Le marché a été attribué en février 2019 à l’entreprise Bajart de Suarlée et se monte aujourd’hui à plus de 3 millions d’euros TVAC.

Le Ministre wallon du Patrimoine de l’époque, René Collin, avait décidé d’octroyer les subsides d’un montant d’1,2 millions, en mai 2019. Et Valérie De Bue, Ministre wallonne actuelle du Patrimoine et du Tourisme, a libéré en novembre 2020, pas moins de 967.000 euros de subsides.

Un peu d'histoire

Construite en 1588, la Halle al’Chair était autrefois destinée à la corporation des
« Masqueliers », regroupant les métiers de boucher, charcutier et poissonnier. Le bâtiment a ensuite connu de nombreuses autres affectations : école, magasin, arsenal, hôpital, temple protestant, théâtre, …

Une spécifité du bâtiment qui a toute son importance : le bois qui compose ses murs, ses poutres, ses arches, est le même que celui utilisé pour construire les bâteaux, à l’époque. Très résistant à l’humidité, il rendait les lieux parfaitement adaptés pour la conservation d’œuvres d’art. Un hasard qui a bien fait les choses.

Acquis par la Ville de Namur en 1806, le bâtiment abrite depuis 1855 le Musée Archéologique. La richesse, la variété des collections et le système innovant de classement (par lieu et date) ont été saluées par de nombreuses personnalités. Elles ont participé au rayonnement de la Ville par-delà les frontières. Le Musée aurait même servi de modèle au célèbre musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye (France)

L’espace manque néanmoins rapidement. En 1864, l’hypothèse de déménager des collections vers l’hospice Saint-Gilles est abordée. Une partie de celles-ci furent finalement déménagées au Musée de Croix.

En 1940, l’armée belge fait sauter le pont de Sambre tout proche, occasionnant de sérieux dégâts à la Halle al’Chair. Le travail de restauration à l'identique est confié à l'architecte namurois Jules Lalière durant les années 1948-1949.

Ce bâtiment, classé en tant que monument en 1936 et repris sur la liste du patrimoine exceptionnel de Wallonie en 2013, est ainsi empreint d’un passé à ne pas négliger ! L’échevin du Patrimoine, Tanguy Auspert et l’échevine du Tourisme, Anne Barzin, en avaient saisi toute l’importance et ont
œuvré dans ce sens, notamment pour l’obtention des subsides.

Découvertes archéologiques

En accord avec l’Agence wallonne du Patrimoine (Awap)

Et un des points importants de ce chantier n’est autre que la découverte de plusieurs vestiges de l’Histoire de Namur. Suite à une excellente collaboration entre l’Awap, l’entreprise et la Ville, la totalité des découvertes va être mise en valeur. Et ce, en plus de la mise en valeur des voutes qui seront visibles depuis l’extérieur, au niveau du quai.

Sur le plan archéologique, les découvertes sont multiples…

1) Les pavés de sol de l’ancienne boucherie : Il s’agit du tout premier sol de la Halle. Il se trouvait quasiment un mètre en-dessous du sol actuel. Une des salles dans laquelle ces pavés ont été retrouvés est interprétée par les archéologues comme étant la « salle du poids ». Salle dans laquelle était donné le poids officiel « communal » des marchandises.

Il a été décidé de les extraire et de les mettre en évidence, en périphérie de la future salle polyvalente, au sous-sol

2) Le seuil d’une rigole d’évacuation de l’ancienne boucherie : Un seuil qui serait lié à un accès qui le relie au sol intérieur de la salle du poids. La pierre de taille a été conservée et le dormant du châssis reposant sur cette pierre a été adapté en conséquence pour suivre la courbure de l’ancienne rigole.

3) Les seuils des portes cochères : Les fouilles ont permis de prendre conscience de la réelle volumétrie de ces portes. Cependant, le futur sol du -1 est nettement plus élevé. L’opération de sauvegarde a nécessité une adaptation des plans pour permettre la préservation « in situ » d’au moins un seuil ouvrant vers la Sambre.

Il a été proposé de laisser la volumétrie visible au public en plaçant un garde-corps pour éviter les chutes, puisque le dénivelé dépasse le mètre de profondeur. Afin d’éviter toute inondation, vu la proximité du fleuve, il a été envisagé de relier le pied du vestige à la chambre de visite située à proximité dans le but de permettre une éventuelle évacuation.

4) « Le clou du spectacle » n’est autre que la découverte, dans la cave ouest, d’un fragment d’un ancien rempart de la Ville que les archéologues situent entre le XIe et le XIIIe siècle. Cette pièce massive laisse présager un bâti antérieur à la Halle qui date du XVIe siècle. Les fouilles de décembre dernier ont permis de confirmer des sondages de 2016 et de dévoiler une porte de rivage aménagée dans le rempart. Cette porte donnait peut-être accès à la Halle médiévale en bois qui, d’après les textes anciens, était déjà située à cet endroit.

Dans ce même angle, les archéologues interprètent le mur comme la pile du pont de Sambre. Il pourrait donc s’agir du plus ancien témoignage physique de l’existence de ce pont. Ce dernier est mentionné, pour la première fois, dans un cartulaire du XIIe siècle. Mais l’axe routier existe depuis l’antiquité comme l’ont confirmé les récentes fouilles du Grognon.

5) A l’étage, les archéologues ont également fait une trouvaille qui vaut son pesant d’informations : derrière un mur, une latrine d’encorbellement avait été emmurée au fil des années. Mais qu’est-ce qu’une latrine d’encorbellement ? Selon l’Awap, ce sont des cabanes en bois accrochées au mur extérieur du bâtiment et suspendues au-dessus de la Sambre. Les déchets étaient ainsi évacués immédiatement dans la rivière. Cette « toilette publique » a été mise à jour pendant le chantier. Ce qui, en complément de textes anciens, a poussé les archéologues à développer le fait que « des toilettes publiques qui attestent que la salle accueillait du monde à cette époque-là. Cette salle permettait des représentations de théâtre alors qu’au rez-de-chausée, bouchers et artisans faisaient leur commerce. »

6) Sans oublier la niche extérieure et la statue du Bon Dieu de Piété. La niche a été complètement refaite et abritera la statue, aux grandes occasions. Le Bon Dieu est, depuis les travaux, en lieu sûr.

L’ensemble de ces « mises en valeur » se monte à un peu plus de 20.000 euros. Au final, un petit prix pour la sauvegarde de toutes ces traces de l’Histoire de Namur.

Et comme bien souvent, une image vaut 1000 discours, voyez ci-après, le résultat de plus de deux ans de travaux !

Halle al Chair : une restauration réussie !